AMOUR DU PROCHAIN – Qui est mon prochain et considérations finales

Nous avons expliqué lors de la précédente publication que la meilleure façon de parvenir à aimer son prochain comme soi-même, était de considérer ce dernier comme une partie de soi-même, comme étant lui et moi membres d’un seul corps. C’est de cette manière que nous pouvons parvenir à cette forme d’amour exigée par la Torah vis à vis de notre prochain.

Car, de même que la main ne tient pas rigueur au pied s’il s’est trompé et, par cette erreur, a occasionné une chute de tout le corps qui a provoqué un dommage au bras, ou bien n’est pas indifférent à la douleur du pied qui a mal, de même, on ne tiendra pas rigueur au point de vouloir se venger de, ou de garder rancune à notre prochain, s’il fait une faute; et on sera sensible à sa douleur pour lui procurer l’aide nécessaire quand il est dans le besoin.

Il nous reste maintenant à expliquer qui est notre prochain, concrètement.

QUI EST MON PROCHAIN ?

Beaucoup ont expliqué le prochain comme «  »autrui » », quel qu’il soit : un proche, certes, mais aussi un lointain, et même celui qui est indifférent à notre égard, voire hostile. D’après cette conception, même nos pires ennemis – si nous en avons – doivent être compris parmi les « prochains ».

Mais, la Torah nous impose-t-elle vraiment d’aimer tout le monde comme soi-même, et même ceux qui nous veulent du mal ou nous vouent une haine évidente?

La Torah ne nous dit pas pourtant d’aimer nos ennemis, ni ceux qui cherchent sans cesse à nous faire du mal. A leur sujet, nous devons juste respecter la Loi.

Elle recommande certains comportements face à certaines circonstances et face à certaines catégories de personnes. Par exemple :

  1. Au sujet de l’ennemi

« Si tu vois l’âne de ton ennemi qui ploie sous sa charge, t’abstiendras-tu de lui venir en aide ? Tu viendras à son aide ». (Ex 23 : 5)

« Lorsque ton ennemi tombe, ne te réjouis pas ; s’il succombe, que ton cœur ne jubile pas ». (Pr 24 : 17)

La Torah ne dit donc pas qu’il faut aimer son ennemi comme soi-même, mais qu’il faut l’aider si l’occasion se présente à nous (en aidant à décharger sa bête qui ploie sous une charge accablante, ou en lui rapportant son objet égaré que nous avons retrouvé (Ex 23,4-5), et en ne se réjouissant pas s’il chute (Pr 24,17).).

Dit d’une autre manière, la Torah ne te dit pas : «  »si ton ennemi veut déménager, va l’aider à transporter ses effets » ». Mais plutôt : «  »si sa maison est en feu, alors va l’aider à éteindre l’incendie ou à sauver ses effets » ».

La Torah est tout à fait réaliste : le fait de l’aider à sauver sa maison d’un incendie, ou à secourir son âne qui pourrait succomber sous une charge, est de nature à améliorer les relations entre vous et à les ramener à la normale, si c’est quelqu’un qui a un minimum de conscience. Car, vous le secourez dans une situation qui lui aurait été autrement préjudiciable (son âne aurait pu succomber ou bien sa maison aurait été détruite et, dans les deux, cas il aurait subi une perte considérable). Mais tenter de l’aider lors d’un simple déménagement ne peut rien produire de bon.

En résumé, même des gens qui se détestent doivent néanmoins se porter secours mutuellement, lorsque l’occasion l’exige. Probablement parce que cette attitude est capable d’enrayer le cercle vicieux de la haine.

  1. Au sujet du Moabite

Il est écrit :

« L’Ammonite et le Moabite ne seront pas admis dans l’assemblée de l’Éternel (c’est-à-dire, ne seront pas acceptés comme membres du peuple d’Israël) ; même leurs descendants à la dixième génération n’y seront pas admis, et cela pour toujours ; parce qu’ils ne sont pas venus à votre rencontre avec le pain et l’eau quand vous étiez en route lors de la sortie d’Égypte, et parce qu’ils ont stipendié Balaam fils de Béor pour te maudire, de Pétor en Aram Naharayim. Mais l’Éternel ton Dieu ne consentit pas à écouter Balaam, et Il changea pour toi la malédiction en bénédiction car Il t’avait pris en affection. Jamais, tant que tu vivras, tu ne rechercheras leur prospérité et leur bonheur ».
(Dt 23 : 4-7)

Les Moabites à qui nos ancêtres avaient fait beaucoup de bien ont usé d’ingratitude et ont refusé de nous aider au moment où nous avions besoin d’eux et les avions sollicités. Ils se sont plutôt montré hostiles. La Torah nous commande en retour de ne pas leur être favorables et de pas rechercher leur prospérité, non pas par esprit de vengeance, mais parce qu’il ne faut pas être naïf dans ce monde. Il faut tenir compte des réalités de ce monde. Dans ce monde, il y a des loups et il y a des agneaux, il y a des lions et il y a des singes, il y a aussi des serpents, etc.

Le loup n’est certainement pas le prochain de l’agneau. Et le lion n’est pas le prochain du singe.

Sous prétexte d’amour du prochain, si un singe va secourir un lion tombé dans une fosse, son acte de bonté va lui coûter la vie. Ce n’était donc pas un acte de bonté, mais un acte de stupide naïveté.

Mais si le singe sort un autre singe (ou même un lièvre ou une poule) de la fosse, il aura certainement accompli une bonne action. Il aura aidé son prochain.

De la même manière, beaucoup de gens, pensant accomplir le commandement de l’amour du prochain, se font avoir et payent cher leur erreur.

Tout ce que la Torah a commandé en faveur du prochain concerne uniquement le prochain. Il est donc nécessaire de bien identifier qui est son prochain.

Voilà un verset qui nous interdit de rechercher la prospérité et le bonheur de Ammon et Moab, parce qu’ils ont été ingrats et méchants, parce qu’ils ont rendu le mal pour le bien, dans une situation de grande détresse pour Israël.

De là, nous pouvons comprendre que nous n’avons pas besoin de rechercher la prospérité de celui qui est à la fois ingrat et méchant, qui rend sans cesse le mal pour le bien et qui se comporte de façon cruelle face à notre détresse. Celui-là n’est certainement pas notre prochain.

  1. Au sujet de l’Amalecite

Au sujet de l’Amalecite qui a toujours voulu exterminer Israël sans qu’Israël lui ait fait quoique ce soit, la Torah est claire: Amalec doit être effacé de la surface de la terre.

Sur un tout autre plan, le Talmud rejoint la Torah en ce point en affirmant : « Si quelqu’un vient pour te tuer, devance-le et tue-le! ».

D’où nous apprenons que celui qui est acharné contre toi pour te détruire, pour t’éliminer, n’est certainement pas ton prochain.

Quand il vient pour te tuer, si le moyen le plus sûr pour sauver ta vie est de le tuer avant, alors fais-le et ne lui laisse pas l’occasion de prendre ta vie. Les lois nationales ont appelé cela la «  »légitime défense » »

  1. Au sujet de l’étranger

Lévitique (19, 33-34): « Si un étranger vient séjourner avec vous dans votre pays, vous ne I’opprimerez point… vous I’aimerez comme vous-mêmes, car vous avez été étrangers dans le pays d’Egypte ».

L’étranger dont parle la Torah est quelqu’un qui vient se joindre à toi par amour pour toi et pour ton peuple. Il devient donc ton prochain et tu dois le traiter comme tel.

  1. Etc.

Il y a donc le « prochain », l’ « ennemi », l’ « étranger », l’ « Amalecite », le « Moabite », etc. Il y a différentes catégories de personnes. Le prochain est juste l’une de ces catégories.

Et si la Torah a distingué entre plusieurs catégories, cela signifie que le prochain ne désigne certainement pas tout le monde, comme on a souvent pensé.

En résumé : Le prochain qu’il faut aimer comme soi-même, c’est celui qui est proche de nous. Qui, malgré ses défauts et ses erreurs, nous est favorable. Et même s’il nous fait un grand mal ou nous cause un grand tord, ce n’est certainement pas par méchanceté, mais par mégarde, par faiblesse humaine, par ignorance, par négligence, en croyant bien faire, etc. Celui-là est notre prochain. Il suffit de le reprendre quand il fait mal, et nous pouvons continuer d’avancer ensemble.

SI LE PROCHAIN C’EST CELUI QUI EST PROCHE DE MOI, QUEL EST L’INTÉRÊT DU COMMANDEMENT ?

On pourrait se demander : si le prochain c’est celui qui est proche, alors chacun aime déjà sa femme, son frère, ses amis, etc. Quel est l’intérêt du commandement ?

Oui. En règle générale, toute personne normale aime son prochain, c’est pour cela que le commandement n’est pas d’aimer son prochain (on le fait déjà), mais d’aimer son prochain comme soi-même (ce qui est plus difficile).

L’homme aime son prochain tant que tout va bien, mais cesse de l’aimer dès qu’il y a un différend. Mais la Torah exige de continuer de l’aimer même s’il y a un différend. C’est ça la signification de «  »comme toi-même » ». Le «  »comme toi-même » » vient inclure les situations de conflit.

Si on relit l’ensemble de ces versets, on verra que la manière dont il faut aimer le prochain est explicitée par ce qui précède (ne pas le haïr, ni lui garder rancune, ni se venger contre lui, mais le reprendre). Cela fait clairement allusion à des situations où il y a un conflit, un différend. Puisqu’on ne peut pas garder rancune à quelqu’un qui ne nous a pas offensé.

Il est dit en effet:

Lv 19: 17 – 18

«  »Tu ne haïras point ton frère dans ton cœur; tu auras soin de reprendre ton prochain, et tu ne te chargeras point d’un péché à cause de lui. Tu ne te vengeras point, et tu ne garderas point de rancune contre les enfants de ton peuple. Mais, tu aimeras ton prochain comme toi-même. Je suis l’Eternel.»

«  »Tu aimeras ton prochain comme toi-même » » est donc le résumé de ce qui est dit avant, et qui met en évidence l’attitude qu’il faut avoir vis-à-vis du « frère », et plus précisément du frère lorsqu’il nous a fait du tort, nous a offensé: Au lieu de le haïr dans son cœur, au lieu de nourrir de la vengeance à son encontre et de lui garder rancune, il faut au contraire le reprendre, le réprimander, sinon on se charge d’un péché.

Et c’est cette attitude qui se nomme positivement : aimer son prochain comme soi-même.

Car, lorsque nous-mêmes faisons des erreurs, nous ne nous détestons pas nous-mêmes, et nous cherchons des moyens pour nous en sortir. En aimant son prochain comme soi-même, on ne le détestera pas s’il fait une erreur, mais on cherchera un moyen de le ramener aussi.

Et en cela, il est très difficile d’aimer son prochain comme soi-même.

Au lieu donc de se détourner de notre prochain lorsqu’il qu’il nous a offensé, on doit au contraire le reprendre, percer l’abcès pour que l’autre bras soit guéri.

Et même s’il refuse d’écouter dans un premier temps, on insiste et on cherche le meilleur moyen pour y parvenir. Car le bras sur lequel on veut percer un abcès refuse aussi quelque fois de subir l’opération et se rétracte. Mais on finit par trouver un moyen. On doit donc aussi, lorsqu’il s’agit de réprimander notre prochain, rechercher la meilleure manière de lui parler, la meilleure manière de procéder, pour que cela passe.

Et s’il a du mal à changer? Alors, c’est un bras malade ou un pied malade, ou même un pied infirme. Personne ne se débarrasse du membre durablement malade ou devenu infirme, on le supporte comme faisant partie du corps, tant qu’il ne menace pas de faire périr tout le corps.

Aime ton prochain comme toi-même signifie donc que l’amour ne doit pas disparaître lorsque qu’un différend surgit entre ton frère et toi.

Aimer son prochain comme soi-même signifie, en définitive : rester un frère pour ses frères, quoiqu’il arrive (comme Joseph est resté un frère pour ses frères malgré le drame survenu entre eux, qui n’était en aucun cas dû à la méchanceté); rester une épouse pour son mari, malgré ses défauts et vis versa, rester un ami pour son ami malgré ses défauts, rester un oncle pour ses neveux et via versa, rester un petit-fils pour ses grands-parents, etc., tant que toutes ces personnes peuvent effectivement être considérées comme notre prochain et que leurs erreurs ne sont que des erreurs communes que tout le monde peut faire, et non des actes de méchanceté évidente.

DERNIÈRES CONSIDERATIONS SUR LE PROCHAIN

Le prochain n’aura évidemment pas la même signification pour tout le monde. La notion du prochain est probablement plus vaste et plus étendue pour un maître, pour un roi, pour un médecin, pour un enseignant, pour un administrateur, etc., que pour une personne ordinaire.

Pour un médecin, chaque patient devra être considéré comme son prochain, en ce qui concerne la prise en charge médicale. Un roi doit certainement traiter tous ses citoyens comme ses prochains, en tout ce qui concerne la gestion du pays, etc.

Dans le judaïsme, les hommes les plus élevés sont également ceux desquels on exige plus de vertu.
C’est pour cela que la Bible décrit en détails les actions des rois et des dirigeants, pour les vanter ou pour les blâmer.

Il existe aussi d’innombrables histoires de nos maîtres indiquant comment d’illustres autorités rabbiniques ont exprimé leur préoccupation du prochain de façon légendaire.

Puisse le Saint, béni soit-Il, nous donner la capacité d’aimer notre prochain comme nous-mêmes!

Avec mes souhaits pour la réussite matérielle et spirituelle de tous!


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